Une tribune, coordonnée par l'association CARE et signée par 25 personnalités, met en avant la nécessité d'impliquer des hommes pour faire de l'égalité des sexes une réalité. Ce texte est publié dans le journal Libération (édition du 10 mars 2015).

« Si t'es un homme... » Cette expression apparemment anodine véhicule des valeurs qui ne le sont pas : la force (« bats-toi, si t'es un homme »), le pouvoir (« fais-le, si t'es homme »), qui mènent parfois à la domination (« ne te laisse pas faire, si t'es un homme »)...

Dans toutes les sociétés, la masculinité se définit selon des modèles sociaux et des préjugés qui définissent nos rapports aux autres. Bien sûr, les contextes diffèrent selon les lieux et les cultures, mais le plus souvent ces représentations enferment les hommes et les femmes dans des relations inégales.

L'égalité des sexes n'est pas encore reconnue partout comme un droit humain fondamental et les inégalités de genre restent profondément ancrées dans toutes les sociétés. C'est le cas dans des sociétés pourtant dites « égalitaires » : dans les entreprises européennes, les hommes perçoivent un salaire horaire supérieur de 16% à celui des femmes. C'est une réalité d'autant plus forte dans de nombreuses autres régions du monde, où les mentalités amènent à privilégier l'éducation des garçons à celle des filles, et à priver les femmes de libertés acquises aux hommes.

Pourtant, lorsque les femmes ont le pouvoir de décider et d'agir, elles jouent un rôle crucial dans le développement de leur communauté. On sait par exemple que si toutes les femmes suivaient des études secondaires la mortalité infantile serait réduite de moitié, et qu'une année de scolarisation supplémentaire permet à une jeune fille d'augmenter de 10 à 20% ses revenus - et ceux de son foyer - une fois adulte. Les femmes sont un pilier de la lutte contre la pauvreté. Si nous voulons construire un monde plus juste, il est essentiel que nous nous engagions pour le respect de leurs droits.

L'affranchissement des stéréotypes de genre véhiculés par nos pratiques sociales, par les medias mais aussi dans les institutions, doit être un effort collectif. Car ces poncifs sont souvent si fortement ancrés dans les mentalités que les femmes elles-mêmes reproduisent parfois des comportements qui les restreignent. En Inde, par exemple, des femmes avortent de fœtus féminins pensant que les filles ont moins de valeur.

De même, dans de trop nombreux pays, les hommes qui bousculent les normes sociales font l'objet de moqueries par leur communauté. « Quand les gens me voient porter de l'eau à la place de ma femme, ils disent que j'ai été empoisonné », témoigne Fidèle Bucyanayandi, membre d'un programme de l'ONG CARE sur l'égalité des genres au Rwanda.

Une manière d'impulser ce changement serait de promouvoir des conceptions alternatives de la masculinité reposant sur des rapports de partage et de respect. Au lieu de considérer les femmes et les hommes comme des groupes opposés dont le gain de pouvoir pour l'un impliquerait une perte de pouvoir pour l'autre, il s'agit plutôt de favoriser des relations de soutien mutuel.

C'est le combat de chacun d'entre nous, car changer les sociétés passe par la modification des comportements individuels. Dans les Balkans, la campagne Be a Man conduit aujourd'hui des milliers d'adolescents à se mobiliser pour changer les normes sociales sur le genre : « J'ai beaucoup appris sur moi-même. Je ne me bats plus. La violence n'est pas un signe de masculinité », témoigne Dominik, 17 ans, qui vit en Croatie.

Les autorités nationales et locales ont également un rôle fondamental à jouer pour faire de l'égalité des sexes une réalité. Ainsi, en Sierra Leone, le taux de prévalence des mutilations génitales chez les petites filles a été réduit de 50% grâce à l'implication des leaders communautaires.

Nous appelons aujourd'hui la communauté internationale à faire de l'égalité des sexes une réalité. En septembre, les Etats se réuniront à l'ONU pour adopter des plans d'action sur les droits des femmes et la lutte contre la pauvreté pour les quinze années à venir. Or à ce jour, aucun gouvernement n'a pleinement mis en œuvre ses engagements en faveur des droits des femmes. Il est crucial que l'égalité des genres soit au cœur des décisions qu'ils prendront cette année.

Les signataires

Florence ARTHAUD - navigatrice,
Anne de BLIGNIERES - co-présidente de Financi'Elles et responsable de la promotion des femmes au sein du Groupe Caisse des Dépôts,
Cecilia BONSTROM - directrice artistique de Zadig&Voltaire,
Vincent CASSEL -acteur,
Cyrielle CLAIR - actrice,
Agnès CROMBACK - directrice de sociétés,
Loraine DONNEDIEU DE VABRES-TRANIE - avocate à la Cour,
Diaa ELYAACOUBI - entrepreneuse,
Irène FRAIN - écrivaine,
Bénédicte GUEUGNIER - présidente de la Fondation Financière de l'Echiquier,
Annie GUILBERTEAU - directrice générale du Centre National d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles,
Elisabeth GUIGOU - présidente de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale,
Valérie HOFFENBERG - présidente V conférences,
Philippe LEVEQUE - directeur de l'ONG CARE France,
Nathalie d'ORNANO,
Morgane MIEL - grand reporter au Madame Figaro,
Caroline de MAIGRET- mannequin et productrice de musique,
Marella POZZO DI BORGO,
Eve RUGGIERI - journaliste,
Arielle de ROTHSCHILD - gérante de banque, présidente de l'ONG CARE France et vice-présidente de CARE International,
Jean-Michel SEVERINO - ancien vice-président pour l'Asie de la Banque mondiale et ancien-directeur général de l'AFD,
Léa SEYDOUX - actrice,
Agnès TOURAINE - présidente Act III Consultants,
Marie-Ange VERDIKT - administratrice de sociétés,
Sophie VERNAY - fondatrice d'honneur de Financi'Elles.