La COP26 s’est clôturée aujourd’hui avec le sentiment d'un dialogue de sourds entre pays pollueurs et pays vulnérables. Ces derniers ressortent déçus, frustrés et surtout démunis face aux pires impacts du changement climatique. Les engagements pris restent insuffisants pour ne pas dépasser 1.5°C de réchauffement climatique et limiter l’emballement climatique. Analyse de Fanny Petitbon, experte climat de CARE
Si les principaux pays pollueurs ne viennent pas aux COP avec la ferme intention d’aider ceux qui subissent les pires impacts du changement climatique alors on est en droit de se demander ce qu’ils sont venus faire à Glasgow. Attendue comme une COP décisive, la COP26est partie du mauvais pied dès son lancement en donnant l’impression d’être réservée aux pays du Nord et de privilégier leurs intérêts. Les textes de décision reflètent le cynisme des pays riches : leurs chefs d’État et de gouvernement prononcent des discours pleins d’empathie devant les caméras, mais ce n’est pas la même musique qui se joue derrière les portes closes des salles de négociation.
A l’ouverture de la COP, nous avions listé nos trois points d’attention - ceux qui pourrait faire que cette COP soit vraiment efficace - deux semaines plus tard le constat est amer.
L’objectif 1.5°C s’éloigne
L’un des enjeux majeurs de cette COP était de sauver l’accord de Paris et l’objectif de maintenir le réchauffement climatique sous 1,5°C. C’est un échec. Malgré de nouveaux engagements de la part de quelques États, nous sommes toujours vers un réchauffement des températures de 2,4°C en prenant en compte les promesses de neutralité carbone, selon l'ONU. Pire, on estime que les engagements actuels des États vont au contraire faire augmenter les émissions de 13,7 % d’ici 2030alors qu’ils devraient baisser de 45% pour espérer limiter le réchauffement à +1,5°C ! La décision de COP appelle mollement les États à revenir en 2022 avec des objectifs réhaussés en ligne avec “les objectifs de températures de l’accord de Paris” ce qui laisse donc la porte ouverte à un objectif à 2 degrés, c’est inacceptable !
Des financements toujours insuffisants
Si 800 millions de dollars ont été promis à cette COP pour soutenir les pays les plus vulnérables, cela reste une goutte d’eau face à l’océan des besoins car cela ne représente qu’un quart des besoins en adaptation des pays du Sud d’ici 2030.
Concernant la promesse des 100 milliards de dollars de financements climat faite il y a 12 ans,2023 est devenue une échéance par défaut alors qu’elle aurait déjà dû être honorée dès 2020. Le texte de décision de la COP se contente de regretter ce retard mais n‘incite pas pour autant les États à combler l’écart pour chaque année passée. Pourtant, le changement climatique, lui, ne se met pas en pause en attendant. Chaque année qui passe sans honorer cet engagement augmente la facture finale car les impacts climatiques vont se multiplier et s’intensifier, en particulier dans les pays du Sud.
Le texte fait aussi l’impasse sur la nécessité de garantir un équilibre 50/50 entre financements pour l’adaptation et la réduction des émissions d’ici 2025. C’était pourtant un engagement-clé de l’accord de Paris.
Des miettes pour les pertes et dommages
Malgré les beaux discours, c’est au final une véritable désillusion pour les pays vulnérables. Seuls bons élèves parmi les cancres: l’Écosse et la Wallonie ont brisé un tabou en annonçant respectivement 2.3 million d’euros et 1 million d’euros pour répondre aux pertes et dommages. Non seulement les autres pays riches ne leur ont pas emboîté le pas mais en plus ils ont refusé d’établir une “facilité de Glasgow” soutenu par les deux tiers des membres de la CCNUCC, dont l’objectif était de mobiliser et d’allouer de tels financements. Au pied du mur, les pays vulnérables ont dû se contenter d’un lot de consolation avec l’organisation d'un dialogue de 2 ans pour "discuter des arrangements de financements pour éviter, limiter et répondre aux pertes et dommages" sans garantie qu’il aboutira à des engagements concrets. Proposeriez-vous à quelqu’un qui est en danger de mort de venir l’aider, mais seulement d’ici deux ans ?
La prochaine COP se tiendra en Egypte en novembre 2022. D’ici, là les États doivent absolument revoir à la hausse leurs objectifs de réduction d’émissions et venir à Sharm el Sheikh avec la volonté de véritablement changer les choses : il n’est plus possible de se réunir tous les ans pour tout remettre à l’année prochaine.
Contact médias
Fanny Petitbon, experte climat de CARE, est disponible pour répondre aux interviews. Contactez Camille Nozières : nozieres@carefrance.org, 07 86 00 42 75