Le contexte pour mieux comprendre
- Walter Mawere est responsable plaidoyer et communication chez CARE Somalie. La semaine du 19 juin 2023, il s’est rendu à Paris pour faire entendre les demandes de l’ONG CARE lors du sommet pour un nouveau Pacte Financier Mondial.
- La Somalie est en proie à la pire sécheresse qu’elle ait connue depuis ces quarante dernières années (1). En 2022, plus de 43 000 personnes en sont mortes (2). Lors de la saison des pluies, cette sécheresse laisse place à des inondations car le sol, devenu aride, n’absorbe plus l’eau. Ces catastrophes naturelles sont les conséquences directes du changement climatique.
(1) ONU, 2023 ; (2) OMS, 2023
Ce qui t’a le plus marqué depuis que tu travailles chez CARE Somalie ?
C’est la situation des personnes déplacées de force. Il faut se mettre à leur place et essayer d’’imaginer : tu es chez toi, mais il n’y a plus d’eau. Il n’y a plus de nourriture. Et tu n’as pas d’autre choix que d’abandonner ton mode de vie, ta maison, ceux que tu connais… de tout quitter. De nombreuses personnes ont dû se déplacer plusieurs fois en Somalie, une première fois pour fuir la sécheresse ; puis une seconde fois, pour fuir les inondations. Elles ont connu les deux conséquences les plus extrêmes du changement climatique.
Souvent, ces personnes trouvent refuge dans un camp, où pour survivre elles dépendent entièrement des distributions d’eau et de nourriture d’organisations humanitaires. La vie de tes enfants, la vie de ta famille ne tient plus qu’à ça : la générosité d’autres personnes. À mon sens, c’est vraiment quelque chose qui ne devrait pas se produire. Jamais. Et ça questionne : alors que les pays les plus responsables du changement climatique prospèrent et génèrent énormément d’argent, pourquoi ne pas soutenir celles et ceux qui traversent de telles épreuves ?
On parle toujours de « millions ». Des millions de personnes déplacées, des millions de réfugiés. Mais derrière ces chiffres il y a des personnes.
On parle toujours de « millions ». Des millions de personnes déplacées, des millions de réfugiés. Mais derrière ces chiffres il y a des personnes : derrière ces chiffres, il y a ce père de famille et ses enfants, il y a cette mère qui est décédée pendant son déplacement. Je croise souvent des enfants, sur le bord de la route. Ils demandent de l’eau. Ces enfants devraient être à l’école, pourtant ils sont sur le bord de la route, à chercher de l’eau potable.
Une histoire, une victoire que tu gardes en mémoire ?
J’ai rencontré des bénéficiaires qui m’ont dit que sans l’eau que nous leur fournissons, ils et elles seraient mortes. Leurs vies dépendent de notre aide. Nous ne faisons que leur donner le minimum vital, mais c’est ce qui les a maintenus en vie. Chacune de ces personnes sauvées est un succès. Chaque enfant que nous remettons à l’école est une victoire.
Je crois que mon plus grand succès est cette petite fille qui a pu retourner à l’école grâce à CARE. Elle m’a dit qu’un jour, elle deviendrait Première ministre de Somalie. Pour moi, c’est ces histoires qui nous font dire, d’accord. Nous aidons vraiment quelqu’un. Nous avons rendu espoir à cette petite fille. C’est une victoire. Mais c’est aussi un challenge : car maintenant, il faut qu’on maintienne cet espoir. Qu’on parvienne à garder cette fille à l’école, qu’elle puisse terminer ses études, qu’elle ait toutes les clés en main pour choisir son futur.
Qu’est-ce qui te préoccupe le plus dans la situation actuelle ?
J’ai peur que la Somalie devienne une de ces crises que la communauté internationale oublie. J’ai peur qu’on arrive à un point où il n’y a plus d’argent pour la Somalie, plus de fonds pour donner à ses habitants et à ses habitantes le peu qu’on leur donne aujourd’hui. Combien de temps allons-nous, en tant que communauté internationale, parler sans prendre de vraies mesures ? Chaque instant que nous passons sans agir, des personnes meurent. Pendant que nous parlons, combien d’enfants verront leur futur détruit, parce qu’ils ne pourront pas aller à l’école ? Pendant que des gens meurent, les personnes dirigeantes débattent des paragraphes à inscrire sur les comptes-rendus des COP. En tant que chargé de plaidoyer, je fais de mon mieux pour amplifier le message de ceux qui traversent ces épreuves. Mais parfois, j’ai l’impression de parler dans le vide. J’ai peur que la communauté internationale n’écoute pas. Nous devons continuer à soutenir les populations.
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