Les chefs d’États se réunissent aujourd’hui à New York pour signer l’accord climatique décidé lors de la COP21. Plus qu’un moment symbolique, cette journée doit être l’occasion de penser l’application concrète de l’accord. Fanny Petitbon, responsable plaidoyer de CARE France, décrypte les enjeux de cette réunion et fait le bilan de l’action climatique.
Dans quel cadre se situe cette journée ?
En décembre dernier, 195 pays et l’Union européenne ont adopté le premier accord international de lutte contre le changement climatique. L’objectif est double :
limiter le réchauffement climatique bien en-dessous de 2°C et si possible de 1,5°C pour éviter une catastrophe climatique,
définir les moyens de s’adapter aux effets déjà concrets du changement climatique.
Quatre mois après la COP21, l’étape de la signature de cet accord va débuter et sera ouverte jusqu'en avril 2017. Puis, pour entrer formellement en vigueur, l'Accord de Paris doit être ratifié par 55 pays représentant 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Rien n’est donc encore joué.
Quels sont les enjeux de cette journée ?
Plus de 160 États seront présents pour signer, ce qui est considérable. Mais cette cérémonie de début de signature a avant tout une portée symbolique, l’essentiel est de consolider la dynamique trouvée lors de la COP. Car, pour que cet accord ne reste pas lettre morte, il doit être rapidement traduit dans les politiques publiques nationales. La fenêtre d’opportunité est réduite : il ne faut pas attendre 2020 pour prendre des mesures fermes pour lutter contre le changement climatique.
Ce n’est donc qu’un début ?
Oui, ces étapes juridiques, la signature et la ratification de l’accord, resteront insuffisantes tant que les États continueront de soutenir des modèles économiques qui détruisent le climat.
Il faut entamer la sortie de la dépendance aux combustibles fossiles qui sont responsables en grande partie du réchauffement climatique. Et ce, dès aujourd’hui. L’Accord de Paris ne prévoit pas de révision des objectifs des États avant 2020, voire 2025. C’est beaucoup trop tard, au regard de l’urgence climatique.
Il faut que chaque État revoie sa copie et augmente ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2018, date du premier bilan partiel des efforts. Pour l’instant, la somme de tous les engagements nous place toujours sur une trajectoire de +3°C d’ici la fin du siècle. Une telle hausse des températures aurait des conséquences dévastatrices sur les populations et écosystèmes.
Pourquoi parler d’urgence climatique ?
L’emballement climatique ne s’est pas arrêté avec l’adoption de l’Accord de Paris. Les trois premiers mois de l’année 2016 ont dépassé des records de température (1,35°C au-dessus de la moyenne). Et le phénomène El Nino de ce début d’année est l’un des plus forts jamais connus. Il est à l’origine de tempêtes et de sécheresses. Les effets sont dramatiques pour les populations les plus vulnérables. Par exemple, 60 millions de personnes sont menacées d’insécurité alimentaire.
Est-on sur la bonne voie ?
Il y a des bonnes nouvelles, notamment en termes de transition énergétique. Les énergies renouvelables constituent 90% des nouveaux investissements opérés dans la production d’électricité.
Mais cela ne suffit pas. Il faut accélérer la tendance pour faire baisser les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Celles-ci ont stagné en 2014 et 2015.
Il y a aussi beaucoup de points flous ou laissés en suspens par l’Accord de Paris qu’il faut préciser.
Que reste-t-il à faire ?
Il est urgent de mettre en place une équité et une solidarité climatiques envers les pays vulnérables. Cela passe notamment par des engagements financiers pour aider les populations vulnérables confrontées au quotidien aux effets négatifs des changements climatiques qui ne font que croître. Or, aujourd’hui, malgré les engagements pris en 2015 et la reconduction de l’objectif de 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2025, le compte n’y est pas.
Il faut également mettre en place des mécanismes concrets pour traiter les pertes inévitables causées par les changements climatiques, telles que la disparition d’une île sous les eaux. Il s’agit de passer des déclarations à l’action. Il faut identifier les moyens de répondre aux pertes économiques et non-économiques, prévenir les déplacements de populations contraints par les changements climatiques, évaluer le potentiel des systèmes assurantiels en cas de catastrophes naturelles, etc.
Se pose également la question de la mise en place des actions climatiques. Elles ne doivent pas se faire au détriment du respect des droits humains. Ainsi, la construction d’un barrage hydroélectrique ne doit pas entraîner des déplacements forcés.
Quel bilan faire aujourd’hui de l’engagement des pays ? Quels sont les bons et les mauvais élèves ?
Les pays en développement sont moteurs de l’action climatique. 13 États insulaires, parmi lesquels figurent notamment les Maldives, les îles Marshall, Fidji et la République des Palaos seront les premiers pays à signer et ratifier l’Accord de Paris ce 22 avril. Les pays africains ont récemment lancé une initiative conjointe visant à renforcer l’accès aux énergies renouvelables.
Du côté des pays riches et industrialisés, la plupart sont à la traîne. Alors que l’Union européenne se veut leader sur la question de la lutte contre le changement climatique, ses objectifs de réduction de gaz à effet de serra sont toujours trop faibles.
Quel est le rôle de la France ?
CARE et 14 ONG françaises appellent aujourd’hui la France à jouer un rôle moteur. En tant que facilitatrice des négociations internationales pendant encore six mois, la France doit insuffler de l’ambition aux différents États, en termes de réduction des gaz à effet de serre et de financements pour l’adaptation.
Et le rôle de la France passe aussi par l’exemplarité. La France ne peut pas se permettre de signer l’Accord de Paris et de ne pas traduire ses engagements au niveau national en termes d’efficacité énergétique ou de développement des énergies renouvelables. C’est une question de cohérence et de responsabilité.
En termes de financement, la présidence française ne pourra évidemment pas échapper à la concrétisation de ses annonces financières de 2015. Cela suppose d’agir dès le projet de loi de finances pour 2017.
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