« Après une année 2022 marquée par les catastrophes engendrées par le changement climatique, cette COP27 était un test décisif. Alors que cela semblait inespéré il y a encore deux semaines, les pays riches ont enfin accepté de reconnaitre leur dette climatique et d’acter la mise en place d’un fonds pour répondre, entre autres, aux pertes et dommages causés par les cyclones destructeurs, des inondations meurtrières ou la montée inéluctable du niveau des mers. C’est un pas de géant vers plus de justice climatique. Les pays vont devoir désormais travailler pour rendre ce fonds opérationnel en garantissant qu’il réponde aux besoins des communautés les plus vulnérables.
En revanche, malgré un rappel de la nécessité de tout faire pour rester sous 1.5°C de réchauffement climatique, les engagements individuels des États sur la table ne nous mettent toujours pas sur les rails de l’accord de Paris. Le texte échoue également à inscrire noir sur blanc la nécessaire sortie de toutes les énergies fossiles, un pré-requis pour lutter efficacement contre le changement climatique. Cela revient à remplir un tonneau percé avec une passoire : si les États ne sont pas prêts à faire les efforts indispensables pour réduire leur émissions et mettre fin à l’exploitation des fossiles, les impacts et les pertes et dommages irréversibles ne feront que s’intensifier.”
Pour rentrer dans le détail, bilan de la COP27 :
Les pertes et dommages :
- Après une année 2022 marquée par les catastrophes engendrées par le changement climatique, cette COP27 était un test décisif. Face à l’ultimatum lancé en milieu de semaine par les dirigeants des pays insulaires, les pays riches à l’initiative de l’UE, ont opéré un virage à 180 degrés et mis fin à des décennies de blocage total. Ils ont accepté la création, dès cette COP27, d’un fonds permettant de répondre aux pertes et dommages -et pas juste de les éviter ou minimiser-, à travers la mobilisation de financements nouveaux et additionnels. Ils ont aussi ouvert la voie à ce que des sources de financements innovants (taxes sur l’extraction des énergies fossiles ou sur les émissions des secteurs aérien et maritime..) soient explorées afin d’abonder ce fonds. Bien que les détails du mécanisme financier restent à élaborer et que le fonds ne serait opérationnel qu’à partir de 2023, cette décision démontre que l’appel des communautés vulnérables a enfin été entendu et pris en compte et que les pollueurs vont devoir répondre de leurs actes et payer C’est un pas de géant vers plus de justice climatique.
- En parallèle, le pari lancé par l’Écosse il y un an à la COP26 a fini par payer. Au cours de la COP27, 12 gouvernements et l’Union Européenne ont débloqué au total environ 360 millions de dollars pour les pertes et dommages, en particulier à travers l’initiative du Bouclier de protection global. C’était encore impensable il y a encore quelques mois. Cependant, cela représente une goutte d’eau face aux près de 580 milliards de dollars par an qui seront nécessaires chaque année d’ici 2030 pour aider les pays du Sud pour répondre aux pertes et dommages . Autre bémol : à l’exception de la France, de l’Autriche et de la Wallonie, les autres contributeurs ont en réalité déshabillé Pierre pour habiller Paul en recyclant des financements initialement alloués à la réduction des émissions et à l’adaptation des pays du Sud. Or contenir le réchauffement climatique tout en apportant des réponses concrètes aux impacts sont les deux faces sont d’une même pièce: il faut accélérer l’action sur tous les fronts.
- Autre bonne nouvelle : les Etats ont trouvé un accord pour rendre opérationnel dès l’année prochaine le Réseau de Santiago sur les pertes et dommages, créé à Madrid en 2019. Ayant pour rôle de fournir une assistance technique aux pays vulnérables afin qu’ils puissent évaluer et chiffrer leurs besoins en pertes et dommages et identifier le type d’interventions nécessaires pour y répondre, le Réseau de Santiago est une pièce maîtresse du puzzle pour une réponse efficace aux pertes et dommages. L’accord comprend la mise en place d’un “advisory board” comme demandé par les pays du Sud, avec des représentants des populations les plus vulnérables (femmes, jeunes, peuples autochtones). Reste maintenant aux pays riches à garantir une mise en route efficace de cet outil dans les meilleurs délais à l’aide de contributions financières car les quelques dizaines de millions promises jusque-là, notamment par plusieurs européens, ne seront pas suffisantes.
Financements climat :
En échouant de mobiliser 100 milliards de dollars par an dès 2020, tel que promis il y a 13 ans afin d’aider les pays vulnérables à réduire leurs émissions et à s’adapter, les pays développés ont sérieusement mis à mal la relation de confiance avec leurs partenaires du Sud.
Le texte de la COP appelle à un sursaut des pays riches afin qu’ils honorent leurs engagements au plus vite mais cela dépendra de leur bonne volonté. Par ailleurs, l’engagement pris à Glasgow de doubler les financements pour l’adaptation -de 20 à 40 millions de dollars par an par rapport au 2019 – ne figure tout simplement pas dans l’accord de la COP27. A la place, il est demandé au Comité permanent sur les financements de produire un rapport sur le sujet… C’est purement et simplement inacceptable car c’est un enjeu majeur pour les pays du Sud dont les besoins en adaptation pourraient atteindre jusqu’à 340 milliards de dollars par an d’ici 2030, selon le récent Adaptation Gap Report.
Réduction des émissions :
- L’accord de la COP27 réaffirme l’urgence à réduire de 43% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 pour rester sous 1,5°C de réchauffement climatique, et appelle les Etats qui ne l’ont pas encore fait à soumettre d’ici la COP28 de nouveaux plans climat avec des objectifs de réduction des émissions plus ambitieux. En effet, la fenêtre d’opportunité pour rester sous 1,5°C commence à se réduire à peau de chagrin et les pays ne sont pour l’instant toujours pas au rendez-vous.
- Le cruel manque de leadership politique requis pour respecter la promesse de l’accord de Paris s’est fait ressentir durant cette COP. Seul le Mexique a présenté un nouvel objectif, passant de -22 à -35% de réduction des émissions de CO2. Quant à l’Union Européenne, elle a annoncé passer d’un objectif de -55% à -57% de ses émissions d’ici 2030, mais cela reste encore loin des -65% nécessaires pour faire sa part juste. Pour le moment, nous sommes toujours condamnés à un réchauffement de +2,4°C à +2,8°C d’ici 2100, condamnant la planète et ses habitants à des conséquences du dérèglement climatique de plus en plus intenses et incontrôlables.
Sortie des énergies fossiles :
La course contre la montre pour freiner l’emballement climatique et limiter les impacts irréversibles n’a de sens que si nous sortons de toutes les énergies fossiles. Or le texte de la COP27 n’a pas permis de s’attaquer à cette cause première de l’urgence climatique. Le poids des lobbyistes du secteur et les intérêts particuliers de plusieurs pays ont empêché l’adoption d’un accord sur l’élimination progressive, juste et équitable de toutes les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Pour la première fois, la décision-chapeau de COP appelle à augmenter les investissements dans les énergies renouvelables, ce qui est une bonne nouvelle mais ne sera pas suffisant pour rester sous la limite des +1,5°C de réchauffement.
Contact presse : Fanny Petitbon, responsable plaidoyer climat de CARE, est disponible pour répondre aux interviews.
Contactez Camille Nozières : nozieres@carefrance.org, 07 86 00 42 75
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