Pourquoi prendre en compte le genre dans le calcul des budgets publics ?
Les garçons représentaient 88% des bénéficiaires des dispositifs d’aide au sport à Strasbourg, jusqu’à début 2023 (1). Un exemple édifiant de l’utilisation réelle d’un budget public qui ne soutient pas l’égalité entre femmes et hommes. Parce que c’est un fait peu connu : le secteur public peut renforcer ou diminuer les inégalités entre les femmes et les hommes. Et comment le savoir ? Il faut analyser la collecte (impôts, taxes, paiement du service…) et la distribution des ressources financières publiques (subventions aux associations, investissement dans des équipements, fonctionnement des services…) en termes de genre, d’hommes et femmes.
La budgétisation sensible au genre, pour soutenir l’égalité
C’est le but de ce qu’on appelle la budgétisation sensible au genre. Elle permet d’identifier l’impact des budgets publics sur les femmes et les hommes. L’enjeu est ensuite de rééquilibrer les écarts constatés afin de soutenir l’égalité femmes-hommes via des modifications budgétaires, pour mieux garantir l’égalité.
En d’autres mots, la budgétisation sensible au genre (BSG) poursuit plusieurs finalités :
- La justice sociale et l’égalité réelle, en identifiant les disparités et discriminations entre les femmes et les hommes et en s’assurant que les politiques publiques ne viennent pas produire de nouvelles inégalités.
- L’efficacité et la pertinence de l’action publique, en évaluant et identifiant davantage les besoins des citoyennes et des citoyens pour un meilleur usage de la dépense publique.
- La justice fiscale et l’équité budgétaire, en favorisant la redistribution et l’accès aux services et aux droits de manière équitable, dans un contexte de restriction budgétaire qui impacte davantage les femmes (2).
Découvrez notre glossaire illustré des termes liés au genre
80 pays ont désormais des budgets intégrant le genre
Cette pratique est encouragée par plusieurs instances internationales et européennes comme l’OCDE, l’ONU, le FMI ou encore la Commission européenne. Environ 80 pays aux systèmes politico-juridiques très hétérogènes, tels que l’Autriche, le Canada, l’Afrique du Sud, la Belgique, l’Inde, le Japon, ou encore le Maroc ont initié une approche genrée des budgets, à des niveaux très divers et de façon plus ou moins aboutie.
Par exemple, le Royaume du Maroc s’est engagé dès le début des années 2000 dans la mise en place de la budgétisation sensible au genre (BSG), à travers différentes réformes constitutionnelles, légales et politiques. Cette approche a notamment permis d’augmenter le taux de scolarisation des filles en milieu rural : en réorientant l’utilisation des budgets publics, le taux de scolarisation des filles de 12 à 14 ans est passé de 27,9% à 58% entre 2001 et 2017 (3).
Et en France ? LA BSG est en retard
La France quant à elle mène une expérimentation très parcellaire des budgets genrés depuis 2018-2019. Le concept de budget genré s’est heurté aux principes républicains d’universalisme (qui refuse de voir les différences) et de neutralité, bien que la mise en place d’un budget sensible au genre pourrait contribuer à amplifier l’efficacité des politiques d’égalité. Ainsi, la BSG en France reste limitée à l’échelle régionale.
Pourtant, cette méthode de budgétisation a déjà fait ses preuves dans plusieurs villes françaises. C’est notamment le cas à Lyon, Strasbourg, Nantes, Brest ou encore Montreuil. Strasbourg par exemple compte réorienter ses subventions aux clubs de sport pour favoriser davantage la pratique de sports de haut niveau chez les filles. Autre exemple, dans le domaine de la participation citoyenne, la ville a proposé un dispositif de garde d’enfants lors des assemblées de quartier et instauré une égalité de temps de parole entre les hommes et les femmes.
Pour mieux comprendre
À quelle étape de budgétisation d’un projet le genre doit-il être pris en considération ?
Pour jouer pleinement son rôle, cette budgétisation intégrant l’égalité devrait être élargie à l’échelle nationale et intégrée à l’ensemble du cycle budgétaire :
- au stade de l’élaboration, avec la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance associés ;
- au stade de l’approbation pour en permettre une appropriation par les parlementaires ayant un rôle crucial à jouer pour contrôler la pertinence des objectifs et réaliser les arbitrages budgétaires nécessaires ;
- au stade de l’exécution, pour permettre la révision de biais genrés dans la conception des politiques publiques ;
- et enfin au stade de l’évaluation.
La BSG est un véritable moteur de changement pour les États. Pour atteindre l’égalité de genre, il est indispensable qu’il y ait une réalisation effective de cette budgétisation sensible au genre au niveau national !
Sources : (1) Le Monde, 2023 ; (2) Nantes, métrople et ville, 2023 ; (3) OECD, 2018
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