Le projet de loi de finances pour 2016, présenté mercredi 30 septembre, en Conseil des ministres prévoit une baisse de 170 millions d'euros de l'aide publique au développement (APD). Cette coupe des crédits intervient cinq jours après l'annonce de François Hollande d'augmenter l'APD de 4 milliards d'euros à partir de 2020.
Nous, parlementaires français, rappelons qu'il est essentiel d'investir dès 2016 dans la lutte contre la pauvreté et ses causes profondes. Le changement climatique menace notamment les progrès réalisés depuis de nombreuses années en termes de développement. Les dérèglements climatiques sont, aujourd'hui, l'une des plus grandes injustices de notre époque car ils affectent le plus sévèrement les personnes qui en sont les moins responsables.
C'est pourquoi, nous demandons que la prochaine loi de finances, qui sera votée en décembre 2015, marque une augmentation notoire de l'APD de notre pays. Les orientations budgétaires des différents gouvernements qui se sont succédés nous ont ramené dix ans en arrière en matière de solidarité internationale.
0,7 % de son revenu national brut
Nous demandons que la France respecte son engagement de consacrer 0,7% de son RNB à l'APD. C'est un engagement pris depuis de nombreuses années par l'ensemble de la communauté internationale et renouvelé il y a deux ans par le Président de la République française. L'année dernière, l'engagement français n'atteignait plus que 0,36 %, soit 10 327 millions d'euro, de son RNB. Le Royaume Uni, dans une situation économique comparable à celle de la France, a atteint cet objectif de 0,7%.
Nous, parlementaires français, avons observé à quel point les dérèglements climatiques accentuent les situations de pauvreté existantes et entraînent des coûts économiques et sociaux importants. Nous nous sommes rendus à Madagascar, lors d'une visite d'étude organisée par l'ONG CARE France en septembre 2015. Les phénomènes liés au climat - sécheresses, inondations, cyclones - fragilisent les habitats, menacent les récoltes, contribuent à la volatilité des prix et affectent ainsi la capacité de millions de personnes à se nourrir. Les conditions de vie des petits agriculteurs qui ont un accès limité, voire inexistant, au crédit ou à l'assurance sont d'autant plus précaires.
Quelle est la responsabilité de la France ? Quel rôle doit jouer notre pays ? La solidarité envers les victimes du changement climatique est une question de justice et de responsabilité des pays les plus riches, producteurs des gaz à effet de serre à l'origine du réchauffement climatique. Financer des actions d'adaptation au changement climatique et de prévention des risques de catastrophes est nécessaire pour protéger les populations les plus vulnérables aux impacts du changement climatique et contribue au développement durable.
Une taxe sur les transactions financières
Nous avons été témoins des réponses apportées par la société civile. Des femmes d'un village près de Vatomandry se sont ainsi regroupées en association villageoise d'épargne et de crédit. Grâce à ces groupements, ces femmes ont pu renforcer leur résilience face aux catastrophes climatiques (renforcer leur habitation, cultiver de nouvelles semences plus résistantes, envoyer leurs enfants à l'école) et développer une activité économique en groupe de vente du riz.
C'est à travers ce type d'initiatives que nous avons mesuré pleinement l'importance d'une APD ambitieuse et efficace pour les pays en développement. Il est essentiel que nos politiques nationales et internationales d'aide au développement soient renforcées. Les richesses mondiales doivent bénéficier au plus grand nombre.
Il existe des solutions au niveau français. Une taxe sur les transactions financières (TTF), additionnelle à l'APD et plus importante en taux et plus large en assiette, pourrait-être une source de financement efficace dans la lutte contre le changement climatique et la réalisation des Objectifs de développement durable sans pour autant peser sur les comptes publics. En termes d'efficacité, l'aide française doit privilégier une approche multisectorielle pour répondre aux causes multiples des problématiques de développement.
Le vote de la prochaine loi de finances est l'occasion pour la France de montrer son engagement dans la lutte contre l'extrême pauvreté, la réduction des inégalités et la lutte contre le changement climatique. Nous, parlementaires français, demandons au gouvernement français de s'engager dès maintenant pour mettre fin au fossé croissant entre les promesses et les moyens alloués à l'aide au développement.
Les quatre parlementaires français signataires de cette tribune
Par Jean-Luc BLEUNVEN, Député du Finistère (Divers Gauche) ; Geneviève GAILLARD, Députée des Deux-Sèvres (Parti Socialiste) ; Brigitte GONTHIER-MAURIN, Sénatrice des Hauts-de-Seine (Parti Communiste), Didier MANDELLI, Sénateur de la Vendée (Les Républicains).
Cette tribune a été publiée sur le site du Monde.fr