Après l’intervention d’urgence de CARE en Haïti, suite au séisme ravageur de 2010, un projet de réhabilitation et de développement a été mis en œuvre dans quatre quartiers de la commune de Carrefour, en périphérie de Port-au-Prince. À l’heure des bilans, Julie Razongles, responsable du projet, revient sur ses grandes lignes et la façon dont il a durablement modifié à la fois le paysage urbain mais aussi le tissu économique et la gouvernance locale.
Julie, pouvez-vous nous rappeler le contexte dans lequel ce projet a vu le jour ?
Katye nou pi bèl est un projet d’aménagement urbain mis en œuvre dans les quartiers de Ti-Sous, Sapotille, Aztèk et La Grenade à Carrefour : ce sont les quartiers qui ont été parmi les plus touchés par le séisme du 12 janvier 2010, à l’échelle de la commune.
Après l’intervention d’urgence, il s’agissait de passer à une phase de réhabilitation et de développement. Les objectifs principaux du projet étaient de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des résidents et au développement économique de leurs quartiers, de façon durable. Le projet, financé par l’Union européenne et l’Agence française de Développement, a débuté le 8 avril 2013 et devrait se terminer en septembre 2016.
Le projet s’est appuyé sur une démarche participative impliquant la population locale : peux-tu nous en dire quelques mots ?
L’ensemble des activités du projet ont été décidées et mises en œuvre en accord avec, non seulement les autorités locales, mais aussi, et surtout, avec les communautés, à savoir les habitants des quartiers. Le schéma d’aménagement a été élaboré sur la base d’un diagnostic urbain réalisé avec eux. Ils ont ensuite eux-mêmes priorisé les activités répondant à leurs besoins les plus urgents, tout en tenant compte de la faisabilité technique et budgétaire.
Nous avons facilité la création d’une plateforme réunissant des représentants des quartiers afin de mieux diffuser l’information et de favoriser le dialogue au niveau local. Cette plateforme a été un véritable atout pour ce projet. En effet, ses membres sont conscients des enjeux de développement et se posent désormais en leaders pour discuter, en interface avec la communauté, avec les différentes parties prenantes : ONG et autorités locales qui, aujourd’hui la reconnaissent comme un interlocuteur incontournable. Le développement social et la gouvernance ont donc été au cœur du projet et, sans doute, l’un de ses résultats les plus durables.
Concrètement, quelles sont ses conséquences pour la population locale ? Quel bilan peut-on faire du projet à ce jour ?
Un terrain de football et un lavoir communautaire ont été aménagés, des kiosques d’adduction d’eau et des voies piétonnes ont été réhabilités. Par ailleurs, 50 associations villageoises d’épargne et de crédit, 9 micro-entreprises de gestion et recyclage des déchets ont été créées. Au total, 36 000 personnes sont bénéficiaires du projet.
De plus, diverses formations ont été dispensées aux habitants dans le but de renforcer leurs compétences pour leur permettre de diversifier leurs activités et leurs ressources et de renforcer leurs capacités de préparation et de gestion des risques. L’ensemble des infrastructures construites et des activités menées a, d’une part, changé la physionomie des quartiers et, d’autre part, permis à ses habitants de porter un autre regard sur leurs quartiers.
La construction d’une route de 2,3km qui a désenclavé les quartiers en les reliant à la route principale a été le défi le plus important du projet et, sans conteste, l’une de ses plus belles réussites : vectrice de développement économique, elle a aussi réduit les risques d’inondations et de glissements de terrain. La communauté est davantage impliquée dans le développement et le devenir de ses propres quartiers. Ce fut une formidable aventure humaine !