Sous l’impulsion de la société civile, le Forum Génération Égalité (FGE) initié en mars 2021 avait pour ambition d’accélérer la progression vers l’égalité femmes-hommes en mettant fin à plusieurs décennies de désintérêt et d’inaction, particulièrement des États et du secteur privé. Cet évènement avait donc suscité beaucoup d’espoirs tant par l’ampleur des engagements, que par son approche transformatrice, ou encore par la levée de fonds qui avait atteint 40 milliards de dollars.

Des prises de positions concrètes ou une instrumentalisation de l’égalité femmes-hommes ?

Deux ans après le Forum, il faut s’interroger sur la sincérité de ces engagements au vu de la dégradation des droits des femmes dans certains pays, même si les États qui y ont participé étaient volontaires et globalement favorables à l’égalité des genres.
Lors du FGE, de nombreux pays, dont la France et le Mexique, co-organisateurs de l’évènement, avaient affiché la défense de l’égalité femmes-hommes comme une priorité de leurs politiques intérieure et extérieure. À ce titre, la France continue de revendiquer l’égalité femmes-hommes comme grande cause du quinquennat, alors que les discours masculinistes s’ancrent chez les 25-34 ans (1). De son côté, Mexico a lancé l’ambitieux « Fondo Ellas » pour promouvoir l’autonomie économique et l’émancipation des femmes.
Mais en dépit de cet engagement, le pays compte le plus grand nombre de féminicides au monde, révélant de fortes lacunes internes. Il y a donc un double standard pour ces États, et un risque que l’égalité femmes-hommes devienne un instrument marketing.

L’optimisme du rapport d’ONU Femmes face à un désenchantement des engagements

Avant 2022, il n’existait aucun moyen de s’assurer que les engagements pris seraient tenus ou encore de sanctionner l’inaction. Un suivi de l’engagement des acteurs et de la viabilité de leurs réalisations a ainsi été mis en place sous la forme d’un questionnaire. Si dans son rapport ONU Femmes présente des résultats encourageants, dans les faits, le constat n’est pas aussi positif. Seuls 31% des engagements ont donné lieu à une réponse des parties prenantes (2). Les statistiques omettent donc la grande majorité des promesses émises et il est raisonnable de penser que les “mauvais élèves” ne se sont pas précipités pour répondre. Sur ce tiers de réponses, seuls 60% des engagements signalés ont fourni des “preuves claires de progrès”. Ainsi, même sur un échantillon de “bons élèves”, le résultat est mitigé. Ce déficit, estimé à 5 milliards de dollars, est sous-évalué car plus de la moitié des projets n’ont pas donné d’indications sur leur moyens financiers. Le FGE semble avoir donné lieu à des promesses ambitieuses mais rapidement délaissées.

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Un portage politique et médiatique insuffisant face à la nécessité d’agir

De plus, dans le monde entier les droits acquis par les femmes sont remis en question, bafoués et parfois même révoqués, notamment sous l’effet de la convergence des agendas anti-genres, antidroits et antidémocratiques (3). Ainsi, des mouvements masculinistes partisans d’un “retour au pouvoir” des hommes se développent dans le débat public. Ces attaques aggravent des disparités de genre déjà exacerbées par le changement climatique, la pandémie de la Covid-19 et les conflits dans le monde.

Au faible portage politique s’ajoute un désintérêt médiatique. Le quatrième pouvoir ne se fait pas relais des revendications de la société civile portées pendant le FGE. L’invisibilité concernant la progression des engagements du FGE, semble ainsi être symptomatique de l’abandon de la lutte pour l’égalité femmes-hommes. Elle est aussi liée à une communication lacunaire sur les sites officiels comme dans les médias.

Des États qui se réjouissent du minimum : des "champions" de l’inaction ?

La France s’est affirmée comme cheffe de file de la coalition sur les DSSR avec un soutien financier important, de même pour la Tanzanie qui porte la coalition Justice et droits économiques. La diversification géographique des projets permet de nuancer une approche trop souvent européocentrée avec 57% d’engagements qui ont lieu en Afrique subsaharienne (4). Elle permet également de contrecarrer la mouvance conservatrice internationale et de défendre les droits des femmes. Cependant, l’Asie reste en retrait et la faiblesse des projets alerte d’autant plus que cette région est loin d’être exemplaire. Enfin, le manque de soutien aux coalitions Action féministe pour la justice climatique et Technologie et innovation pour l’égalité des sexes inquiète compte tenu de l’urgence climatique et des dangers du numérique, particulièrement pour les femmes et personnes LGBTQI+.
Deux ans après un événement qui se voulait novateur, radical et transformateur, nous constatons une grande inadéquation entre les actions des États et celles à mener pour faire face aux défis multiformes de notre époque. L’implication partielle, inégale et inconstante d’acteurs pourtant multiples aux niveaux politique, économique et médiatique, est un frein à l’accélération de la progression vers l’égalité des genres. Avec moins de trois ans pour renverser la tendance, l’urgence du changement est évidente et le temps manque. Les quelques avancées ne doivent pas donner lieu à un abandon des femmes par les États. Nous appelons donc à une responsabilisation des acteurs vis-à-vis de leurs engagements, à un gain de transparence et à une pression médiatique appuyée sans lesquels les ambitions du FGE resteront de simples utopies.

Sources : (1)  Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, 2023 ; (2) ONU Femmes, 2022 ; (3) Equipop, Fondation Jean Jaurès, 2023 ; (4) ONU Femmes, 2022

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