En amont de la prochaine réunion du Conseil européen, les 28 et 29 juin, une coalition de plus de 100 organisations appelle les dirigeants européens à rejeter une proposition qui envisage de faire de la dissuasion et du retour des migrants l'objectif principal de la relation entre l'UE et les pays tiers. En inaugurant une politique étrangère dont l'unique objectif serait de contrôler l’arrivée de migrants, l'UE et ses Etats membres risquent de perdre leur crédibilité et leur autorité sur la question de la défense des droits humains.
La Commission européenne a proposé début juin d'utiliser les instruments d’aide, le commerce et d'autres fonds européens pour réduire le nombre de migrants atteignant le sol européen. Cette proposition sera discutée cette semaine par les chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet de l'UE à Bruxelles. Elle s’inspire de l'accord passé entre l’UE et la Turquie qui a conduit au blocage de milliers de personnes en Grèce dans des conditions inhumaines et dégradantes. Les enfants sont particulièrement touchés. Plusieurs centaines d’entre eux, livrés à eux-mêmes, sont détenus dans des centres de détention fermés ou contraints de dormir dans des cellules de police.
L'Europe risque de nuire gravement à sa politique étrangère en matière de droits humains et de saper le principe de droit d'asile à l'échelle internationale, selon les 104 organisations humanitaires, médicales, de défense des droits de l'Homme, de développement ou spécialisées dans la gestion des migrants, qui signent la déclaration.
Rien ne garantira que les droits humains, les principes de protection ainsi que les règles et les standards qui prévalent en la matière seront respectés lorsque l’UE négociera avec les gouvernements les accords qu’elle juge utiles pour stopper l’immigration vers l’Europe. Cela laisse planer un réel risque de violation du droit international qui interdit le refoulement des personnes vers des destinations où elles sont exposées à des violations de leurs droits.
« La responsabilité en matière de violation des droits humains ne s’arrête pas aux frontières de l'Europe. Qui plus est, tout accord pour la ‘gestion des migrants’ avec des pays où de graves violations des droits humains sont commises sera contre-productif à long terme. De tels accords mettraient en danger les droits humains dans le monde et contribueront à perpétuer le cycle de la violence et de la répression qui pousse les gens à fuir », rappellent les ONG.
En outre, cette proposition ne tient pas compte des preuves montrant que toutes les stratégies de dissuasion visant à juguler les flux migratoires se sont montrées inefficaces. L'approche actuelle de l'UE, non seulement ne parviendra pas à « briser le business-modèle » des passeurs, mais augmentera les souffrances des migrants car beaucoup seront obligés de prendre des routes plus dangereuses pour atteindre l'Europe.
Si elle était adoptée, la proposition de la Commission réorienterait massivement l'aide au développement de l'Europe vers un unique objectif : l'arrêt des migrants.
« Ceci contredit de manière inacceptable l'engagement de l'UE d’utiliser la coopération pour le développement afin d’éradiquer la pauvreté », regrettent les ONG.
Les ONG appellent les dirigeants européens à rejeter la proposition de la Commission et à élaborer une stratégie durable pour gérer les flux migratoires.
« L'Union européenne, qui est elle-même un projet politique construit sur les décombres d'une guerre dévastatrice, est sur le point d’ouvrir un chapitre sombre de son histoire », mettent en garde les ONG.
Notes aux rédactions :
La déclaration conjointe et la liste des ONG signataires peuvent être téléchargées ici.
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