Après avoir fui les violences en Syrie, les réfugiés syriens risquent leur vie dans l'espoir d'un avenir meilleur. CARE a rencontré Rasheed, réfugié syrien vivant en Autriche avec sa famille.
Rasheed, réfugié en Jordanie puis en Autriche
Je m'appelle Rasheed, je viens de la région du Golan en Syrie. Je suis diplômé en droit mais pendant plusieurs années, j'ai travaillé au sein d'une agence d'aide humanitaire à Damas. J'aidais les personnes dans le besoin sans me douter qu'un jour je deviendrais moi-même un réfugié.
Dans un premier temps, j'ai fui la guerre en Syrie pour la Jordanie. Je n'y suis resté que huit mois, incapable de trouver du travail pour subvenir aux besoins de ma famille. Sans emploi, devant payer notre loyer et de quoi se nourrir, notre situation était très difficile. Par l'intermédiaire d'amis restés en Syrie j'ai pu vendre, à perte, la maison où je pensais m'installer avec ma future épouse. Il y avait peu de chance que nous puissions y retourner dans un futur proche.
En Syrie, ma future épouse, Waad, voulait devenir enseignante. Elle avait étudié à l'université de Damas. Au bout d'un an d'étude, elle a dû arrêter, à cause de la guerre. En janvier 2013, les bombes barils détruisaient son quartier. La seule pièce de la maison où sa famille et elle étaient en sécurité était la salle de bain. Ils y ont passé des journées entières à se cacher. Elle a ensuite fui pour la Jordanie avec sa famille. C'est à ce moment-là qu'elle est devenue une réfugiée et s'est engagée auprès de CARE pour aider nos compatriotes réfugiés.
Nous étions amoureux et envisagions notre futur ensemble. Je voulais l'épouser avant de tenter de rejoindre l'Europe. J'ai fui pour la Turquie. Alors que je passais les frontières, traversant chaque jour des territoires qui m'étaient inconnus, j'ai subi d'innombrables humiliations et détentions. Puis je suis parti pour l'Europe. Je suis arrivé à Vienne il y a un an, après 40 jours d'un voyage angoissant, balloté de passeur en passeur, ignorant où j'allais dormir le lendemain. Cela m'a coûté 7 500 dollars, le reste de mes économies, soit l'équivalent de 20 allers simples en avion d'Amman à Vienne, un vol de quatre heures.
« Je le fais pour que notre fils ai un avenir »
A 4h30 du matin, dans l'obscurité totale, je dérivais sur la Méditerranée avec 26 autres réfugiés, de différentes nationalités. Nous étions entassés dans un canot de fortune à peine gonflé, de fines planches de bois faisaient office de fond. Toutes mes pensées allaient vers Waad, enceinte. Elle s'était fermement opposée à mon départ mais c'était pour elle que j'entreprenais ce voyage dont l'issue pouvait être fatale. « Je le fais pour que notre fils ai un avenir », je lui ai dit. J'avais vu des enfants syriens réfugiés travailler, passer à côté de leurs études et de leur enfance. Je ne voulais pas de cette vie pour notre fils. Je voulais qu'il ait un avenir et j'étais prêt à risquer ma vie pour cela. Elle a donc fini par accepter.
J'avais embarqué en secret, après de nombreux et dangereux détours en Turquie. Le voyage était arrangé par une mafia de passeurs très organisée. Notre dernier passeur avait embarqué avec notre groupe dans le noir, avait indiqué la direction à suivre à l'un des réfugiés, puis avait sauté dans l'eau pour regagner le rivage, nous laissant nous débrouiller seuls. Aucun de nous n'avait conduit un bateau auparavant. Nous avons échangé des regards impuissants. « Naviguez jusqu'à cette lumière », a-t-il lancé avant de sauter, montrant au loin une lueur. Elle semblait hors d'atteinte, elle était pourtant notre seul espoir.
Au bout d'un moment le moteur s'est arrêté et les vagues tapaient contre les bords, menaçant de nous emporter. Il y avait parmi nous un ingénieur en mécanique, un autre réfugié syrien. Tandis qu'il bricolait, les hommes devenaient de plus en plus anxieux, quelques femmes pleuraient, des enfants gémissaient. Après ce qui nous a semblé une éternité il a réussi à redémarrer le moteur et à diriger le bateau vers la côte. J'ai survécu à cette traversée qui continue de tuer de nombreux réfugiés, moins chanceux.
L'espoir de retrouver une Syrie en paix
Ma femme m'a rejoint en Autriche. Alors que nous débutons une nouvelle vie, nous avons de nouveau foi en l'avenir. Nous espérons que notre fils Hazem pourra recevoir une éducation, qu'il aura un avenir meilleur ici qu'en Syrie ou dans des pays voisins où nous ne pouvions pas trouver de travail. Waad souhaite finir ses études et aider les réfugiés qui arrivent en Europe en leur apportant le soutien dont nous avons nous-même eu besoin à notre arrivée.
De mon côté, je souhaite que le monde prenne conscience du désespoir que ressentent les réfugiés lorsqu'ils quittent la Syrie pour échapper à la mort et entreprennent un voyage très dangereux voire fatal pour certains d'entre eux. J'implore les dirigeants du monde à soutenir les réfugiés dans leur installation à l'étranger, à sécuriser les routes et à défendre leurs droits dans tous les pays. Ces solutions sont temporaires, c'est une main tendue. Mais nous avons besoin de plus : notre souhait ultime est de trouver une solution pour soulager les Syriens et pour nous permettre enfin de retrouver une Syrie sûre et en paix.