Les célébrations du cinquième anniversaire de l'indépendance du Soudan du Sud - le 9 juillet - seront bien ternes pour les 5,1 millions de Sud Soudanais qui ont besoin d'une aide d'urgence. Zieya, Chianyal, Nyaber sont nées il y a cinq ans, au moment où leur pays voyait le jour. Privées d’école, elles vivent un quotidien marqué par deux ans de guerre et de faim. Malgré le fragile accord de paix signé en août 2015, les populations civiles restent les premières victimes des conséquences de ce conflit.
« Je suis née le 8 juillet 2011, un jour avant l’indépendance de mon pays », explique Nyaber dont le prénom signifie « drapeau » en référence aux drapeaux du Soudan du Sud qui flottaient lors de l’indépendance.
« Je ne peux pas aller à l’école parce que mes parents n’ont plus rien. J’aide ma mère à nettoyer la maison, à faire à manger et à démarrer de nouvelles cultures », raconte Nyaber.
Nyaber vit dans la petite ville de Mankien dans l’état d’Unité au nord du pays, l’une des régions les plus affectées par le conflit qui a débuté en décembre 2013. Comme 2 millions de Sud Soudanais, sa famille a dû tout abandonner pour fuir les combats.
« Un jour, les combats ont atteint notre petite ville. Je n’avais jamais rien vu de tel. Ce conflit est horrible. Nous avons fui avec nos 7 enfants dans un marécage à 25 kilomètres de notre maison. On a vécu trois ans dans la forêt dans un petit abri. Il y a cinq mois, nous avons voulu retourner dans notre maison, mais tout avait été détruit par les combats. Nous avons dû reconstruire rapidement une petite maison en terre séchée. Nous sommes neuf à vivre et à dormir dans une seule même pièce. On aimerait avoir une maison plus grande et solide mais nous n’avons pas assez d’argent », explique Martha, la mère de Nyaber.
Nyaber est tombée malade il y a quelques semaines. Elle souffre de malaria et de typhoïde. Sa mère l’a emmenée dans un centre de santé, soutenue par l’association CARE. Elle a pu y recevoir des antibiotiques. Mais elle se sent encore très faible.
« La situation au Soudan du Sud est très mauvaise. Il est difficile de trouver de quoi nourrir les enfants. Avant la guerre, on mangeait trois fois par jour, maintenant on fait un ou deux repas composés de sorgho bouilli. On dépend de l’aide humanitaire et de ce qu’on peut trouver ou acheter », explique Martha.
« Avant, ma famille avait 50 vaches. Mes parents vendaient leur lait mais on nous les a prises pendant les combats. Aujourd’hui, nous vivons dans un camp de déplacés. Mon papa essaie de vendre du sucre sur le marché du camp », explique Chianyal.
Chianyal et sa famille viennent du comté de Koch, au nord du pays. Angeline, la mère de Chianyal, témoigne des difficultés causées par les deux dernières années de guerre :
« Six fois, nous avons fui notre maison quand les combats s’approchaient de notre village. Nous passions quelques mois dans la forêt avant de revenir. En novembre 2015, notre maison a été entièrement brûlée et nous n’avions plus rien à manger. Nous avons marché pendant quatre jours pour rejoindre la zone de protection des civils de Benitu. Chianyal a beaucoup pleuré. J’ai entendu parler de l’accord de paix signé en août dernier mais j’ai peur que les combats reprennent. »
Comme 95 000 personnes, Chianyal, 5 ans, vit toujours dans la zone de protection des civils mise en place à Bentiu sur une base de l’ONU. Aujourd’hui, elle partage un abri d’une pièce avec les cinq membres de sa famille. Chianyal a de nombreuses responsabilités au quotidien :
« Je dois aider ma maman à s’occuper de notre abri. On dort sur des nattes posées sur le sol. Nos lits et nos matelas ont brûlé avec notre maison. Ce que je préfère, c’est jouer à la corde à sauter avec mes amies. On fait des figurines avec de la boue. Je dois aussi m’occuper de ma petite soeur Nyanen », raconte Chianyal.
Nyanen est actuellement aidée par les équipes de l’ONG CARE qui mènent un programme de soutien alimentaire. Le taux d’enfants manultris dans la zone de protection des civils de Bentiu est deux fois supérieur aux seuils d’urgence fixés par l'Organisation mondiale de la santé.
Zieya et sa famille sont retournés dans leur ville, Mankien, il y a deux mois. Ils avaient fui les combats en 2014.
« La maison où on vivait avant a été détruite. Maintenant, on vit chez de la famille », raconte Zieya née quelques jours avant l’indépendance du Soudan du Sud. Son nom signifie « une nouvelle ère qui débute ».
« Je regrette d’être revenue ici », raconte la mère de Zieya qui élève seule ses sept enfants. « Je pensais pouvoir reprendre nos cultures mais je n’ai pas la force, ni les capacités de reconstruire notre maison ou de cultiver une terre. Nous n’avons pas de nourriture. On dépend totalement de l’aide des ONG. Nous avons tout perdu. C’était déjà difficile avant le conflit, mais maintenant, c’est pire. Aujourd’hui, on ne fera qu’un seul repas avec un peu de sorgho. »
Comme la famille de Zieya, 95% de la population au Soudan du Sud sont des petits agriculteurs. La guerre a forcé beaucoup de ces familles à fuir leurs terres et leurs récoltes ont souvent été détruites. Subissant déjà la désorganisation des infrastructures économiques (routes, marchés) et l’inflation des produits alimentaires (+ 300%), ces personnes sont désormais dans l’incapacité de nourrir leur famille.
Quand elle joue, Zieya fait semblant de moudre du sorgho et de préparer le repas. Sa famille étant très pauvre, Zieya n’a jamais eu de jouets. Elle aime s’amuser avec tout ce qu’elle trouve. Mais Zieya a également de nombreuses responsabilités.
« Le matin, je vais nourrir nos poulets. Je m’occupe aussi de la chèvre. Peut-être qu’elle aura bientôt un petit et que nous aurons du lait. Ensuite, avec ma sœur [de 7 ans], on marche pendant une heure pour aller dans la forêt. On y cherche des fruits sauvages et des bouts de bois pour cuire notre repas : cela nous prend 3 heures. », explique Zieya.
Sa mère vend également ces petits fardeaux de bois sur le marché entre 5 à 20 livres sud soudanaises [entre 0,70 centimes et 2,5 euros].
L'action de CARE
CARE intervient dans la région du Soudan du Sud depuis 1993. Nos équipes ont déjà soutenu 300 000 personnes depuis le début du conflit : aide médicale, alimentaire, soutien aux activités économiques. Nous menons également des programmes de retour de la paix et de prévention des violences basées sur le genre dans les régions du Nil Supérieur, d’Unité, du Nil Supérieur et d’Équatoria-Oriental.
Nous avons besoin de vous afin de poursuivre notre action. Aujourd'hui, près de 5,1 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence au Soudan du Sud. Moins de la moitié en a bénéficié jusqu'à présent faute de financements reçus par les ONG.