Un témoignage du Dr Okba Doghim, urologue et membre de l’association Syria Relief and Development. Cette association syrienne, soutenue par l’ONG internationale CARE, fournit une aide médicale aux populations syriennes.

« Je n’ai pas osé la conduire jusqu’à l’hôpital. J’avais peur qu’on soit pris pour cible avec les phares allumés. »

En Syrie, on voit de plus en plus de femmes qui accouchent prématurément après seulement 7 mois de grossesse. Traumatisées par les bombardements incessants, ces femmes sont soumises à un fort stress qui provoque ces naissances prématurées.

Quand ma femme était enceinte de notre fille ainée - Razan aujourd’hui âgée de 3,5 ans - elle a ressenti une forte douleur au huitième mois de grossesse. Il faisait nuit. Il y avait des bombardements constants à proximité de chez nous et on entendait les avions survoler la zone. Je n’ai pas osé la conduire jusqu’à l’hôpital. J’avais peur qu’on soit pris pour cible avec les phares allumés. Une sage-femme vivait à côté de chez nous. Nous nous sommes rendus chez elle avec les phares éteints. Heureusement, nous y sommes arrivés sains et saufs.

Depuis le début de la guerre en 2011, nous nous sommes beaucoup déplacés à la recherche d’un endroit sûr. Maintenant, nous louons un appartement près d’un hôpital. Ma femme est à nouveau enceinte. Je suis rassuré de savoir que nous n’aurons pas besoin de prendre la voiture au moment de l’accouchement. Je pense souvent à notre bébé et à son avenir. Je dois aussi me concentrer sur mon travail dans une clinique.

« Le bâtiment juste à côté a été bombardé et totalement détruit. »

Nos journées sont très chargées et je rentre souvent très tard. Aujourd’hui, comme tous les jours, je me suis rendu au bureau à 8h du matin. En général, nous débutons la journée par une réunion d’équipe afin de planifier nos actions et faire le point sur les besoins de la clinique et des patients. A 9h, nous partons avec notre ambulance pour aider les populations qui vivent au sud d’Alep. 

Mais aujourd’hui (dimanche 9 octobre), en pleine réunion, nous avons entendu un bruit terrible. J’avais l’impression que c’était un tremblement de terre. Le bâtiment juste à côté a été bombardé et totalement détruit. Les avions continuaient à voler au-dessus de nous. Parfois, ils attaquent deux fois de suite.

Deux fillettes ont été tuées. Mon équipe a essayé de les sauver en déblayant les gravas mais quand nous les avons retrouvées, elles étaient déjà mortes. Nous connaissons bien leurs parents. Ils étaient sortis avec leur plus jeune enfant. Nous allons les aider à reconstruire un abri. C’est malheureusement tout ce que nous pouvons faire pour eux.

« Notre ambulance a entièrement brûlé. »

Notre immeuble a aussi été endommagé. Les patients et notre équipement se trouvaient en sous-sol. Malgré tout, plusieurs patients et membres de nos équipes ont été blessés. Notre ambulance a entièrement brûlé. Et toutes les rues alentour étaient emplies de fumée noire à cause d’un entrepôt qui avait également été touché et brûlé.

Nous collaborons souvent avec les Casques blancs. Nous avons appris qu’ils n’avaient pas reçu le prix Nobel de la paix. Je pense qu’ils le méritaient pourtant. Mais après tout, que représente ce prix ? Ils restent des héros pour les populations syriennes. 

Je salue aussi nos équipes. Elles sont restées malgré les attaques. Aujourd’hui, elles ont aidé les blessés du bombardement. Notre générateur a été détruit. Nous n’avions pas d’électricité pour délivrer les traitements d’urgence. Pendant que j’écris, nous sommes en train d’en acheminer un d’une autre clinique. Nous allons pouvoir poursuivre notre travail.

Nous avons déjà soutenu 1,6 million de personnes en Syrie. Vous pouvez nous aider à poursuivre notre action.

CARE et ses partenaires, dont Syria Relief and Development, ont déjà fourni une aide humanitaire à plus d'1,5 million de personnes en Syrie : distribution de nourriture et de biens de première nécessité, accès aux soins médicaux, amélioration de l’accès à l’eau et à l’assainissement, soutien financier et psychosocial.