Alors que la quasi-totalité des entreprises n’ont toujours aucun plan de prévention pour lutter contre les violences envers les femmes, il est urgent d’en faire un sujet obligatoire de négociation, sous peine de sanction. Découvrez la tribune signée par plusieurs associations et syndicats publiée dans Libération. 

La France doit ratifier la toute première convention contre les violences au travail.

Vendredi 21 juin, l’Organisation internationale du travail (OIT) a adopté la première norme internationale contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Il s’agit d’une victoire historique, arrachée par la mobilisation des femmes, du mouvement syndical international et des organisations féministes, qui va permettre aux travailleuses du monde entier de mieux lutter contre les violences sexistes et sexuelles. La convention et la recommandation adoptées sont ambitieuses et novatrices, exigeant des Etats la mise en place d’un cadre complet de politiques publiques pour mettre fin à ces violences.

Ces progrès majeurs ne pourront voir le jour que si cette convention est ratifiée. Interpellée par les syndicats et organisations féministes, la France a adopté une position volontariste lors de la négociation et a annoncé sa volonté de ratifier la convention. Cette ratification doit être l’occasion de changer la donne en France et de nous doter d’une législation de référence pour éradiquer les violences au travail et, à l’image du Canada, de l’Espagne, des Philippines, ou encore de la Nouvelle-Zélande, créer des droits pour les victimes de violences conjugales.

En France, 70% des victimes de violences au travail n’en parlent pas à leur employeur.

Alors que la quasi-totalité des entreprises n’ont toujours aucun plan de prévention pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, il est urgent d’en faire un sujet obligatoire de négociation à tous les niveaux sous peine de sanction pour les employeurs. L’ensemble des professionnels et des salariés doivent être formés et sensibilisés pour lutter contre ces violences.

En France, 70% des victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur(1). Et pour cause, quand elles le font, 40% estiment que la situation s’est réglée en leur défaveur, par une mobilité forcée voire un licenciement. 

L'implication des entreprises et de la justice

Dans la lignée de la convention adoptée à l’OIT, la France doit sécuriser l’emploi et la carrière des victimes de violences, que celles-ci aient un lien avec le travail ou non, en mettant en place plusieurs mesures : le droit à des aménagements d’horaires, de poste, des congés payés, la possibilité d’une mobilité fonctionnelle ou géographique choisie, ainsi que l’accès à une prise en charge médico-sociale et psychologique des victimes sans frais. Pour garantir le droit au travail et le maintien en poste des femmes victimes de violences conjugales, il convient d’interdire leur licenciement comme c’est le cas pour les femmes victimes de violences au travail.

Afin de mettre fin aux difficultés d’accès à la justice et aux plaintes classées sans suite, cette nouvelle convention OIT appelle à la formation de tous les magistrats sur les violences et le harcèlement fondés sur le genre, à l’aménagement de la charge de la preuve dans les procédures ne relevant pas du droit pénal et à des conseils et une assistance juridiques gratuite pour les victimes.

Cette nouvelle convention doit être transposée dans les politiques en France et à l'étranger

Enfin, la convention OIT pointe la nécessité d’accorder une attention particulière aux facteurs de risques exposant à la violence, comme le travail isolé, de nuit, et aux personnes en situation de vulnérabilité. Nous pensons que sa transposition dans le droit français est l’occasion d’adopter des mesures spécifiques pour protéger notamment les personnes migrantes, les personnes LGBTQI+ ainsi que les travailleurs et travailleuses précaires.

La France a aussi une responsabilité à l’étranger à travers l’activité de ses multinationales et de leurs fournisseurs et sous-traitants. Dans le cadre du devoir de vigilance, il est nécessaire d’imposer aux entreprises de lutter contre la survenance de telles violences dans l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement.

En France comme dans le reste du monde, les violences tuent, brisent et humilient les femmes, et sont au fondement des rapports de domination. L’adoption de cette convention offre l’opportunité d’y mettre fin en se dotant d’une législation et des moyens humains et financiers nécessaires. Au-delà des mots, la France doit désormais être au rendez-vous de l’action.

(1) Enquête sur le harcèlement sexuel au travail, réalisée par l’Ifop en 2014 pour le compte du défenseur des droits

Organisations signataires

Marylin Baldeck, directrice de l’AVFT ; Sophie Binet et Sabine Reynosa, CGT, représentantes des travailleu.se.r.s français.e dans la négociation OIT ; Caroline Dehaas, pour le collectif #NousToutes ; Luc de Ronne, président d’Action Aid – Peuples Solidaires ; Philippe Lévêque, directeur général de CARE France ; Ana Azaria, présidente de Femmes Egalité ; Fatima Benomar, cofondatrice des effronté-es ; Roland Biache, secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Sonia Bisch, Tou.te.s contre les violences obstétricales et gynécologiques ; Annick Coupe, secrétaire générale ATTAC ; Monique Dental, présidente-fondatrice Réseau féministe «Ruptures» ; Cécile Gondard Lalanne, porte-parole de l’Union syndicale solidaires ; Sara Khoury, présidente Act up Sud Ouest ; Séverine Lemière présidente du FIT, une femme un toit ; Nelly Martin, porte-parole Marche mondiale des femmes France ; Christiane Marty, fondation Copernic ; Florence Montreynaud, historienne ; Heloise Moreau, présidente de l’Union nationale lycéenne ; Françoise Picq, vice-présidente Association nationale des études feministes ; Suzy Rojtman, porte-parole Collectif national pour les droits des femmes ; Roselyne Rollier, présidente Maison des femmes Montreuil ; Sophie Tissier, fondatrice de Touche pas à mon intermittent.e.